Actualités > Regarder au-delà de la construction
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Samuel Majerus, associé chez Simon-Christiansen & Associés, directeur du département QSE2 (qualité, sécurité, environnement et énergie) et spécialiste en économie circulaire.
Par où faut-il commencer lorsque l’on veut construire un bâtiment avec une empreinte carbone réduite ?
La première étape est de clarifier ce que l’on entend par empreinte carbone, parce qu’elle est souvent confondue avec l’empreinte climatique. En plus du CO2, cette dernière inclut les incidences négatives de tous les gaz à effet de serre et des énergies fossiles. Comme pour l’économie circulaire, il n’existe pas de définition exacte, commune, de ces notions. Chacun peut donc avoir une acception différente du terme.
Ensuite, il faut déterminer les frontières du projet, les paramètres sur lesquels nous souhaitons nous focaliser ainsi que la durée sur laquelle est calculée l’empreinte. Une fois ces éléments identifiés, nous allons pouvoir établir une stratégie basée sur des actions concrètes avec des objectifs mesurables et surtout réalistes. Pour ce faire, nous pouvons nous baser sur des normes déjà existantes, notamment la certification Zero Carbon ou Klimaneutrale Gebäude du label DGNB.
Lors d’un projet de construction, il est important que le maître d’ouvrage soit accompagné, dès le début, par un consultant en économie circulaire. Cela permet à la fois de pouvoir assister le planificateur dans la conception du projet et veiller à ce que les objectifs définis soient bien réalisables.
Je dois préciser que si l’on veut améliorer l’empreinte carbone d’un bâtiment ou d’un quartier, il faut d’abord la mesurer. Pour cela, on doit connaître l’empreinte environnementale de chaque composant. Nous travaillons d’ailleurs actuellement avec des producteurs luxembourgeois de matériaux de construction afin d’établir les documentations y relatives (Environmental Product Declaration).
Sur quoi peut-on agir, par exemple ?
La première chose à prendre en compte est l’analyse du cycle de vie du bâtiment. Le cycle de vie comprend les trois phases: sa construction, son exploitation et sa déconstruction. Il faut souligner que l’opération du bâtiment est la phase qui a la plus grande empreinte écologique. Il est donc important de considérer l’efficacité énergétique et de maximiser la production locale d’énergies renouvelables.
Pourquoi établir une stratégie d’économie circulaire ?
L’économie circulaire est un domaine vaste, qui prend en compte de très nombreux aspects. Dès la phase 0, nous définissons des objectifs, en collaboration avec le maître d’ouvrage et le planificateur, et communiquons sur cette stratégie en externe et en interne afin de mobiliser tous les intervenants. Nous nous concentrons en général sur quelques objectifs, pour pouvoir les approfondir et les garder en tête tout au long du projet. Cela peut être la qualité de l’air, les matériaux durables, la construction en couches avec des éléments déconstructibles, la maximisation de la production d’énergie renouvelable, la construction zéro carbone, la construction pédagogique, etc.
À quel moment faut-il le faire ?
Comme déjà mentionné, le consultant est souvent appelé quand le bâtiment est déjà dessiné et les grandes lignes déjà fixées. Le plus tôt un consultant économie circulaire intervient dans un projet, le plus facile sera l’intégration des aspects circulaires.
Concrètement, quel est le rôle d’un expert en économie circulaire ?
Après l’identification des objectifs, l’expert garantit une conception durable en collaboration avec les planificateurs, analyse les différentes offres pour le choix des matériaux et produits lors des soumissions et s’assure que la construction est en adéquation avec la conception. Il suit les consommations du bâtiment pendant son utilisation et conseille l’utilisateur afin d’en limiter l’impact.
Quels sont les points à ne pas perdre de vue lors de l’élaboration d’une stratégie d’économie circulaire ?
On a tendance à réduire l’économie circulaire au choix des matériaux. Un bâtiment peut être construit avec un matériau durable néanmoins il n’y pas de garantie quant à sa démontabilité ou recyclabilité. Prenons l’exemple du bois : si une isolation est collée sur une planche en bois, ou une peinture solvantée utilisée, la séparation des éléments dans leurs différents cycles est complexifiée. Des déchets sont donc produits.
Les matériaux de construction représentent un aspect de l’économie circulaire, mais il n’est pas le seul. Les maîtres d’ouvrages ne doivent donc pas seulement s’intéresser à la construction, mais aussi à la déconstruction et surtout à l’exploitation.
Quelle est la place du réemploi des matériaux dans la construction circulaire aujourd’hui ?
La réutilisation des matériaux joue un rôle primordial dans la réduction de l’empreinte carbone d’un bâtiment. Il est bien plus efficace d’utiliser un matériau existant que d’acheter le même produit, mais « neuf ». Il ne faut pas perdre de vue que la nouvelle production demande une grande consommation de nos ressources (eau, énergie, matières premières etc.).
Malheureusement, la déconstruction est encore peu prise en compte au Luxembourg et dans la Grande Région. Si, aujourd’hui, nous voulons déconstruire un bâtiment de manière durable en récupérant le plus d’éléments possibles – des meubles, des châssis de fenêtres, des isolants, etc. -, il n’existe aucune plateforme qui permet de faciliter la vente ou le partage des matériaux de construction de seconde main. Il y a toute une logistique à organiser. Nous avons un gros potentiel d’amélioration sur ce point.
Que manque-t-il pour que la construction de bâtiments circulaires devienne la norme ?
Je pense qu’une des prochaines grandes étapes dans la construction durable, sera la création d’un passeport des matériaux. Nous avons déjà un certificat de performance énergétique pour les bâtiments. Je suis persuadé qu’à terme, l’équivalent pour les matériaux, à savoir un certificat de performance environnementale, nous permettra de mesurer et réguler l’empreinte environnementale des bâtiments.
Dans tous les cas, vu la prise de conscience générale sur la nécessité de se diriger vers une société circulaire, je suis confiant que nous saurons avancer dans la bonne direction.
Rédaction : Mélanie Trélat
Article paru dans
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